Food Rencontres

[Rencontres] – Renaud Ramamourty, Chef du Restaurant Petrossian à Paris

Parfois, les réseaux sociaux permettent de faire de belles découvertes et de belles rencontres. Et bien pour moi ça a été le cas avec Renaud Ramamourty et sa cuisine !

Je ne sais plus comment je l’ai découvert sur Instagram, mais ce qui m’a d’abord étonné (je ne le cache pas), c’était de voir un chef d’un restaurant gastronomique… aux origines indiennes (et avec un nom pareil, à fortiori tamoul).

J’ai eu deux réactions : 1. “Wow, pour une fois un indien qui cuisine !!” (lol mais toute fille indienne me comprendra) et 2. “La diversité existe en cuisine!”

[Rencontres] c’est une nouvelle section du blog faite de portraits de personnes inspirantes, avec toujours en filigrane, des sujets liés aux identités multiples et/ou à  la food.

Pour ce premier article, je me suis dit qu’il fallait absolument que je rencontre Renaud et que j’en sache plus sur sa cuisine, qu’il tente de rendre “fusion” par moment. Sachant que je travaille aussi dans le monde de la gastronomie, c’était donc tout à fait logique que le premier article de la section [Rencontres] lui soit consacré.
Avec cette série de portraits, mon idée est d’inspirer mes lecteurs et lectrices, de leur faire découvrir d’autres horizons, toujours liés de près ou de loin à mes centres d’intérêt (la cuisine… mais pas que!).

On commence donc avec Renaud Ramamourty pour ce tout premier portrait – enjoy !

J.

PS : je m’excuse d’avance pour la qualité des dessins, je n’ai pas de scanner et en ces temps de confinement…

***

Renaud, pourrais-tu te présenter ?

Je suis Renaud Ramamourty, j’ai 29 ans et je suis Chef du Restaurant Petrossian à Paris, restaurant classé « Assiette » par le Guide MICHELIN cette année. Petrossian est une maison de Caviar fondée en 1920.

Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?

Ça fait douze ans que j’exerce. J’ai passé mon BEP puis ai passé mon Bac Pro en alternance et à ce moment-là un chef m’a pris en charge au sein de son restaurant dans les Yvelines. Il était extrêmement novateur et déjà à l’époque il s’intéressait à la cuisine moléculaire. J’avais 16-17 ans à l’époque et ça a été une expérience unique, qui m’a rendu très curieux.

Après mon Bac Pro, je suis venu à Paris et ai travaillé au sein de plusieurs institutions étoilées au Guide MICHELIN : le Lutécia, le Jules Verne avec Alain Ducasse, le Laurent avec le Chef Alain Pégouret, Le Cinq, restaurant du Georges V, avec Eric Briffard ou encore Hexagone avec le Chef Mathieu Pacaud pour lequel j’étais sous-chef. C’était dur, mais j’ai vraiment été formé dans de belles maisons. C’est après que je suis devenu sous-chef du restaurant Petrossian, le restaurant d’une institution dans le monde du Caviar. Je suis Chef du restaurant depuis 2018.

Si je ne me trompe pas, tu as été candidat de Top Chef ? Tu peux nous en dire deux mots ?

Ah oui, j’ai aussi eu l’opportunité de participer à la toute première saison de Top Chef en 2009 ! J’avais 19 ans… J’ai été le premier candidat à être éliminé (lol) mais j’étais très jeune et je débutais juste. Et puis j’avais passé une nuit horrible avant le tournage de la première épreuve, à stresser pour aller chercher mon ris de veau ! J’ai eu honte de mon passage pendant longtemps mais maintenant j’en rigole. C’était quand même une belle expérience (avec beaucoup de recul !), qui m’a aussi permis d’avoir plus de visibilité.

Comment as-tu pris goût à la cuisine ?

Naturellement, j’adore manger. J’ai toujours été très gourmand, petit j’ai toujours traîné dans la cuisine avec ma mère. C’est d’ailleurs elle qui m’a poussé à considérer le métier de cuisinier professionnel, au moment où il fallait faire un choix sur mon orientation.

Ça m’arrivait certains week-ends d’aider un ami et son père à faire de la manutention et à restaurer des meubles. Je crois que j’ai toujours su que je voulais faire un métier manuel car j’étais agile et que le système scolaire classique n’était pas fait pour moi. Le conseil de ma mère a un peu été une évidence en fait.

Comment décrirais-tu ta cuisine ? et quel est ton plat phare au Restaurant Petrossian ?

Je dirais que je propose une cuisine légère, moderne, gourmande, avec de la finesse pour sublimer les produits nobles de la Maison Petrossian.

Mon plat phare : une tarte fine au caviar maturé. La pâte brisée se complète d’une purée d’un légume de saison et de gélatine naturelle à base d’algue, qui apporte un côté salin. Le tout est recouvert de caviar maturé pendant douze mois. L’ensemble est assez harmonieux, avec le côté iodé crémeux qui se marie bien avec le croquant de la pâte. C’est aussi un plat qui peut se partager facilement.

Tarte fine au caviar maturé

 

Quelles sont/ont été tes sources d’inspiration ?

Je n’ai pas de personnalités qui m’ont inspiré… ce sont surtout les chefs avec qui j’ai pu travailler. Au premier abord ils avaient l’air dur car acharnés de travail, mais finalement quand ils s’ouvraient je pouvais voir leur amour de la cuisine, leur amour du partage, leur goût pour le « bien fait », leur curiosité… ça c’est vraiment inspirant !

Après je lis aussi énormément de livres de recettes. En ce moment je m’intéresse à la cuisine ayurvédique, qui m’inspire beaucoup. En tout cas, je lis et me documente beaucoup, tout le temps, même en voyage ou en vacances. La cuisine c’est tous les jours, tout le temps.

Je regarde aussi ce qui se fait en Inde, et c’est chouette de voir des chefs se lancer là-bas, ça se développe et il y a une demande pour une offre plus gastronomique.

Comment décrirais-tu la cuisine de l’Inde du Sud ?

Pour moi la cuisine de l’Inde du Sud c’est la meilleure ! (lol)
Mes parents sont de Pondichéry, je suis arrivé en France à l’âge de deux ans et la cuisine de l’Inde du Sud c’est d’abord la cuisine de ma mère.

C’est une cuisine de goûts, très précise au niveau des saveurs, nourrissante et chaleureuse. Quand on mange, on sait que la cuisine en Inde c’est toute une religion. On peut manger à tout heure de la journée et il n’est pas question de manger uniquement pour se nourrir, il y a quelque chose de très spirituel.

Pour moi c’est aussi une cuisine du terroir. Le Tamil Nadu et le Sud de l’Inde de manière générale sont des régions très agricoles, et la route des épices près du Kerala n’est qu’un exemple de la richesse du Sud. Du coup ça en fait une région à la cuisine relevée et connue pour ses plats bien pimentés, c’est peut-être pour cela qu’on parle de cuisine chaleureuse ! Mais c’est une cuisine qui se goûte et qui se vit, c’est très rustique et moins lisse que celle du Nord.

Et par curiosité, ton plat tamoul préféré ?

J’aime les choses simples et je n’ai pas forcément besoin de viande ou de poisson pour avoir un plat « complet ». Donc je dirais du riz avec du sambar (sauce végétarienne aux lentilles). Vraiment très simple !

Maquereau mariné au tamarin, salade de fruit de Jacques

Cuisiner quand on est un garçon indien, c’est quand même pas commode ?

Oui c’est vrai. La cuisine, dans les familles indiennes, c’est pour les femmes ou alors pour les domestiques si la famille a les moyens d’en avoir. Un homme n’a rien à faire en cuisine.
Même si ma mère m’a soutenu dans ma démarche, pour mon père il a fallu plus de temps. Il pensait que j’allais faire la plonge toute ma vie et j’avais droit à des remarques un peu difficiles  – en plus j’étais l’aîné de la famille, il fallait que je montre l’exemple, que je fasse de grandes études et que je finisse ingénieur ou médecin ! Alors faire de la cuisine…

Mais quand j’ai fait Top Chef et qu’il m’a vu à la télévision, ça a été le déclic pour lui je crois. Il a compris que la cuisine, la gastronomie, ça me prenait aux tripes, ça me passionnait vraiment. J’ai eu la chance d’avoir ma mère qui m’a soutenu et qui m’a vraiment poussé à considérer cette passion et à la transformer en métier.

Justement, que dirais-tu de ta mère et de sa cuisine ?

J’ai appris à cuisiner avec ma mère, j’étais tout le temps collé à elle en cuisine, à manger et goûter. Aujourd’hui je dirais que j’ai ces influences féminines qui marquent ma cuisine. Dans le dressage par exemple. D’ailleurs j’aime beaucoup travailler avec les femmes, je trouve qu’elles sont toujours pleines de bonnes idées, pleines de subtilité et de finesse. Avoir une équipe 100% féminine, j’adorerais !

Ma mère est toujours une source d’inspiration pour moi, encore aujourd’hui quand j’ai un doute sur une recette, je l’appelle pour lui demander conseil. Ma mère a un dosage parfait des épices, c’est tellement juste que ça en devient impressionnant.

Ton plat préféré fait par ta mère ?

Ah, le biryani évidemment : c’est la base de la base ! Un plat culte et ma mère le fait à la perfection.

Que penses-tu de l’offre gastronomique indienne en France et à Paris ?

Pour moi la cuisine de l’Inde du Sud n’est pas assez connue, l’offre à Paris est très très pauvre. Les restaurants à La Chapelle ne proposent qu’une cuisine bourrative et très clichée, avec des cartes identiques: pour moi dans le futur il s’agira d’apporter de la légèreté de la finesse, et tout est dans le dosage des épices, évidemment.

Mais de manière générale, la cuisine du Sud de l’Inde n’est pas très affirmée, les plats du Nord sont beaucoup plus représentés et adaptés pour le palais français. Après il y a de plus en plus de concepts autour de la street food indienne qui se lancent, portés notamment par les services de livraison qui se développent. Ce n’est pas fou, mais ça a le mérite d’exister.

Y a-t-il un restaurant indien que tu recommandes à La Chapelle ?

Krishna Bhavan mais évidemment la cuisine de ma mère est meilleure ! 😉

Pour conclure, un conseil à donner à celles et ceux qui souhaitent se lancer dans le métier de chef cuisinier?

Avant tout je tiens à avertir les jeunes recrues de la complexité de notre métier ! C’est un métier qui se vit a 100%
Bien entendu les clés de la réussite ce sont l’amour du travail bien fait, la passion, la curiosité et la patience pour être opérationnel.
Je leur souhaite de prendre du plaisir et de donner du plaisir !

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Liens :
Restaurant Petrossian
Instagram de Renaud Ramamourty

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