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Devasham – une cérémonie pour les défunts

Hello par ici 🙂

C’est un article un peu spécial en cette fin octobre. Je n’en parle que peu sur le blog, par pudeur bien sûr, mais aussi parce qu’il faut aussi trouver de l’énergie pour parler de ce genre de sujet, tout en délicatesse et sans tomber dans le pathos ou la gêne car trop intimiste.

Vous l’aurez sans doute compris en lisant mes dernières stories sur ma famille et son lien avec Pondichéry, mais j’ai perdu mon père il y a deux ans maintenant. Les sujets traités sur le blog (cuisine, culture, héritage) prennent donc un autre sens, beaucoup plus fort, depuis son décès. Ce blog est aussi une manière de faire le deuil en parlant de ce qu’il a pu me léguer, mais sans pour autant trop parler de qui il était. Peut-être qu’un jour je me sentirais de le dévoiler un peu plus, mais pour le moment j’ai trouvé l’envie et la force de faire un article sur la cérémonie du devasham, une cérémonie annuelle donnée en l’honneur du défunt. Nous avons fait le devasham de mon père il y a quelques jours et j’ai trouvé que ça pouvait être intéressant de se pencher sur la question du deuil chez les tamouls.

Coïncidence ou non, la date du devasham de mon père tombe aux alentours de la Toussaint – une belle occasion pour vous raconter la cérémonie, non ?

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Le devasham est une cérémonie hindoue que la famille du défunt doit célébrer tous les ans, en l’honneur de leur proche. Les hindous n’enterrent pas leurs défunts, ces derniers sont incinérés. Cela signifie que les cérémonies religieuses sont généralement le seul moyen de commémorer la personne décédée. Ma mère étant très croyante, elle a souhaité célébrer tous les ans le devasham en l’honneur de mon père, pour laver ses péchés, apaiser son âme, et protéger sa descendance.

La date est fixée par un ayyar (un prêtre hindou), qui regarde le calendrier lunaire et le thème astrologique du défunt.
A noter: toutes les dates liées à un événement familial (mariage, fiançailles, crémaillère…) sont fixées selon le calendrier lunaire.

En France, les ayyar sont peu nombreux et officient à domicile – on retrouve donc très souvent les mêmes d’une famille à l’autre.

Ayyar officiant la cérémonie

Le ayyar revêt sa tenue : il est torse-nu et est drapé d’un tissu (la couleur importe peu). Il porte également le poo nool, un fil de coton blanc sacré, noué autour de son buste. Lors des cérémonies ce sont les hommes qui se nouent du poo nool. Les prêtres le portent de manière régulière. De même, le prêtre s’étale du vibhuti (cendre sacré de bois séché) à plusieurs endroits de son corps, en mélangeant les cendres avec un peu d’eau pour avoir une pâte un peu consistante. Les trois traits que vous voyez sur le dessin sont tracés par les trois plus grands doigts de sa main droite, et cela pour signifier la force du Dieu Shiva.

Avant de commencer la cérémonie, le prêtre prépare l’autel et tous les éléments dont il va avoir besoin pour officier (il y en a énormément !). Par exemple, le prêtre va confectionner un petit Ganesha (Dieu éléphant) fait d’un mélange de curcuma et d’eau. Là il a rajouté quelques graines pour faire les yeux et les petites défenses.

 

 

Ganesha en pâte de curcuma

 

La cérémonie commence tôt dans la journée. Avec ce prêtre nous avons réussi à la faire commencer à une heure décente (8h30) – au départ nous devions commencer à 4h30 avec un prêtre différent… nous avons rapidement trouvé une autre solution !

Tous les participants doivent assister à la cérémonie en ayant pris une douche et lavé leurs cheveux, sinon ils sont considérés comme impurs. Cela vaut pour toutes les cérémonies, toutes commençant très tôt dans la journée.

C’était une cérémonie peu commune il faut l’avouer. D’habitude le devasham doit être “réalisé” par les fils du défunt, car la tradition hindoue donne plus de considération aux lignées masculines. Si une fratrie est composée d’au moins un garçon, c’est lui qui devra opérer la cérémonie avec le prêtre et non les filles s’il y en a.
Cela dit, mes soeurs et moi avons tout de même fait cette cérémonie – selon notre prêtre, au Kerala les femmes sont autorisées à le faire, donc nous pouvions nous calquer sur les pratiques de cet état…

Noix de coco prête à être coupée, entourée de feuilles de mangues et verre de lait

Concrètement, opérer la cérémonie avec le prêtre signifie exécuter les gestes ordonnés par ce dernier. Le devasham consiste à apaiser et honorer l’âme du défunt par ses héritiers, ce sont donc ces derniers qui exécutent les gestes (très symboliques) pour commémorer leur proche.
En plus de prières très classiques invoquant les dieux, les membres de la famille célèbrent également les ancêtres. Lors du devasham de mon père, nous avons également célébré mon grand-père paternel (Subramanian pattar) et mon arrière grand-père (Pakirisami).

Le prêtre a déposé trois feuilles de bananier, contenant chacune :
– un gingembre,
– un citron,
– une boulette de riz cuit, mélangé à des graines de sésame noir,
– et une fleur.

Pour nos ancêtres

Mes soeurs, ma mère et moi devions procéder à des rituels pour chacun de nos ancêtres. Si j’ai bien compris, il faut impérativement un chiffre impair d’ancêtres célébrés (ne me demandez pas pourquoi, j’aimerais également le savoir…).

La cérémonie s’est terminée par un vrai feu (dans notre appartement, on a désactivé l’alarme incendie…) où le prêtre a brûlé des offrandes, du riz (cuit de différentes façons), du camphre…

L’an dernier, lors du premier devasham, j’étais plus émue car la première fois est toujours symbolique. Cette année, en prenant du recul, il y a tant de symboles et de gestes que je n’ai pas pu saisir que la cérémonie avait quelque chose de mécanique et presque froid.
Le côté plus humain, c’est tout de même de recevoir ses proches pour partager un repas (végétarien) en l’honneur du défunt. C’est beaucoup plus convivial, même si cela remue davantage.

Pour le repas, des choses assez classiques mais notons qu’il a fallu cuisiner avec de la coco (râpée ou en lait) sous conseil du prêtre, la noix de coco ayant une forte valeur symbolique.
Le menu du devasham :
– du riz blanc,
– du sambar (sauce aux lentilles corail et aux légumes),
– du dhaal (sauce aux lentilles corail et beurre),
– différents légumes cuisinés avec des épices, notamment des tubercules comme la pomme de terre,
– des épinards à l’ail,
– du chutney de mangue…

Si vous le souhaitez, je peux vous mettre la recette du dhaal et d’un accompagnement de légumes en ligne ? 🙂

Dites moi ce que vous pensez de l’article et surtout comment vous célébrer vos défunts chez vous, cela m’intéresse autant que cela m’aide.

A bientôt !

J.

 

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